Pierre Pérignon entre à l'abbaye en 1668, à l'âge de 30 ans, et y restera jusqu'à sa mort en 1715. Comme les autres vignerons de la région, il produit d'abord un vin tranquille où la présence de bulles indique simplement que la fermentation n'est pas achevée et que le CO, n'a pas été entièrement éliminé via le broquelet (bouchon primitif en bois, graissé et ficelé avec du chanvre). Les bulles constituent alors un défaut à corriger, ne serait-ce que parce qu'elles présentent un réel danger : elles risquent de briser le verre, relativement fragile, des bouteilles de l'époque. Jusqu'à ce que les Champenois reprennent le bouchon en liège, ancienne invention romaine, il valait mieux éviter les vins effervescents.
À Hautvillers, Pérignon double le terroir jusqu'à 20 hectares en privilégiant le pinot noir parmi les variétés cultivées dans la région. Il est persuadé que ce cépage noble, qui donnait les grands rouges de Bourgogne, est moins volatil que les variétés blanches, et donc moins susceptible de continuer à fermenter, en fût ou en bouteille.
Il insiste pour rabattre les ceps à moins de 1 mètre de hauteur, et pour procéder à la récolte avec soin de manière que les grains demeurent entiers. De même, il recommande de remplacer les chevaux, trop fougueux, par des mules ou des ânes pour ne pas agiter les grappes pendant le transport
Enfin, dans la mesure où il vise un vin blanc, et sachant que c'est la peau des grains qui donne au vin sa couleur, il fait intervenir le pressurage dans les plus brefs délais pour limiter ce contact. Lorsque la couleur commence à foncer (au cours du quatrième ou cinquième pressurage), il conseille de rejeter les «seconds» jus. Comme le remarquent ses successeurs, Pérignon est un perfectionniste.