Cependant, la plupart des vignerons restent sceptiques devant une particularité considérée comme frivole. Officier de la Maison du Roi et sommelier de la reine Marie-Antoinette, Nicolas Bidet (1709-1782) est convaincu que le vin pétillant ruine la réputation des vins tranquilles de qualité de la région. Son sarcasme est perceptible dans l'extrait qui suit : « La vivacité, l'exubérance des vins de Champagne, connus à Paris uniquement sous le nom de vin pétillant, cette écume, cette mousse crémeuse chère au cœur des dames... en est responsable. » La mousse comporte plusieurs degrés d'effervescence, depuis la tisane de champagne, qui ne pétille pratiquement pas, jusqu'au pétillant et au demi-mousseux qui rappelle un crémant ou un prosecco frizzante d'Italie. Le plus effervescent est le saute-bouchon, qui reste cependant deux fois moins puissant que les champagnes actuels.
Que l'on partage ou non le mépris de Bidet, reste que les producteurs n'étaient pas du même avis sur l'origine des bulles. Les raisins blancs des sols crayeux de la Côte des Blancs, au sud d'Épernay, désormais exclusivement garnis de chardonnay, y paraissaient plus enclins, de même que les vins qui étaient plus verts et plus acerbes. Certains estimaient que cela tenait à la température des caves ; d'autres évoquaient les cycles de la lune, dans tous les cas, il y avait une raison pratique qui décourageait les vignerons : la fragilité de la bouteille.
«Au commencement du XVIIIe siècle, on connaissait déjà les accidents les plus fréquents et les principales anomalies du vin mousseux : grande Casse dans une cuvée ; et, la même année, petite casse dans une cuvée voisine», écrit Armand Maizière dans l'Origine et le développement du commerce des vins de Champagne (1848)," (…) toujours des recouleuses, des vins sans mousse; des bouteilles cassées avec un cri aigu, celles encore pleines, des fractures explosives, dans des bouteilles recouleuses; des bouchons défectueux par la nature du liège, d'autres par un trop petit diamètre; des vins malades de la nébulosité, de la graisse, de l'amertume, de l'acidité». Visiblement, il était plus sûr de s'en tenir aux vins tranquilles, en espérant que la mode des bulles s'éteindrait d'elle-même.